Le jeudi 16 mai 2024, le CELAF Institut et les institutions sœurs se sont donnés rendez-vous dans l’enceinte du CELAF pour le colloque. Cet événement a mobilisé une centaine de participants sur le thème « Éducation, économie et écologie ». Le colloque débute à 08h par la prière dite par une étudiante suivie de l’allocution d’ouverture du Frère Wilfried FARA, maître de cérémonie. Frère Valère Anani ADONSOU prend la parole au nom du Comité scientifique du CELAF Institut pour traduire sa gratitude tant aux membres de ce comité pour leur travail qu’aux invités qui ont bien voulu agréer le CELAF de leur présence. Il notifie l’absence du Père Rodrigue N’SANMAN du fait d’un ennui de santé. Il cède la place au Frère Pierre OUATTARA pour la conférence d’ouverture.
Conférence d’ouverture
Thème : Une réponse aux crises de notre monde, la culture de l’attention
Il introduit son propos en se posant la question de savoir comment conduire les États et leurs citoyens à rendre justice à la terre ? L’attention est l’action vertueuse qui, capable d’une option en faveur des plus vulnérables, humains et non humains, rend plus crédible les recherches de justice. La culture de l’attention chez Jean Baptiste de La Salle a été un moyen de salut et un chemin vers Dieu. La culture de l’attention vise la sauvegarde des mondes en perdition en faveur de l’avènement d’un monde nouveau.
La première articulation est la « Spéculation et la perte du sens de la terre ». Pour lui, l’exploitation de la terre entraîne une crise écologique. Il prône un retour à la terre car le culte de la terre est un obstacle à une citoyenneté démocratique. Il invite à rendre justice à la terre. Les fragilités de la terre rappellent sa vulnérabilité et celle de ses institutions. Le but du pouvoir économico-politique est de servir à la création d’un monde hospitalier mais il est devenu une recherche de pouvoir en soi dans lequel les individus doivent s’adapter à des mondes artificiels de plus en plus sophistiqués. Nous sommes invités à inventer une politique pour la terre où l’homme est plus fort que l’économie.
La deuxième articulation s’intitule « Sens de la patrie et salut de notre humanité ». Ici, le sens de l’appartenance à une communauté rend l’individu capable d’un dépassement de soi par l’accomplissement de ses devoirs. En chaque citoyen qui accomplit son devoir d’état, il y a une terre, un peuple, sauvé de l’insignifiance. Les nations doivent former leurs citoyens à une écocitoyenneté de proximité. Les élites ont pour rôle de susciter chez les citoyens un sentiment d’appartenance communautaire. La culture de l’attention dispose l’individu à honorer sa vocation d’excentration. Ainsi, l’attention a besoin d’éducation pour ne pas se fourvoyer à la nature des biens en évitant de développer des rapports utilitaristes à la terre. Éduquer signifie alors convertir les cœurs afin qu’ils s’ouvrent à leur vocation d’hospitalité et de solidarité vis-à-vis du monde.
La dernière articulation est intitulée « L’homme entre ciel et terre ». Il va du postulat selon lequel, l’homme ayant perdu le sens de la patrie, il s’est perdu lui-même. La patrie désigne la terre des ancêtres, le pays de la naissance et de l’éducation. Il y a donc un lien personnel avec la terre. Malheureusement, nous voulons faire de la terre un paradis alors que nos rêves de liberté et de toute puissance tuent la liberté et entraînent la mort. Nous devons vivre dans une communion d’amour. Pour ce faire, nous devons défendre notre humanité sur quatre points : idéologique, économique, technologique et écologique. La modernité a remplacé les figures traditionnelles du sacré : Dieu, la partie, la famille et la nation ont été remplacées par des individus en risque de déshumanisation. La patrie a donc besoin de vrais vivants pour transmettre ses trésors.
Axe 1. Dimension épistémologique et socio-économique
Cet axe a eu comme modérateur Dr. Maurice ARCHER, enseignant à l’ENS et intervanant au CELAF Institut.
La première communication intitulée « Écologisation de l’enseignement en Afrique subsaharienne : une innovation au service du développement durable » a été donnée par Dr. KOUA Guéi Simplice, de l’Université Alassane Ouattara de Bouaké. Partant d’une perspective philosophique avec Michel MAFFESOLI, il définit l’écologisation comme une innovation pédagogique de par le rôle de l’enseignement qui devient important dans la recherche de compétences et de connaissances qui seront à même de répondre à notre besoin d’investissement politique par une dynamique scientifique. L’écologisation est donc une conception vivante de la nature. Cependant, force est de constater qu’en Afrique, il y a inadéquation entre éducation-formation et les besoins du moment. L’écologisation dans l’éducation vise à agir en faveur de la nature, de l’environnement. L’écologisation touche à la vie de l’enseignement : ses activités, ses projets et sa culture. Elle apporte quelque chose de nouveau.
La deuxième communication intitulée « Les subventions publiques destinées à l’enseignement secondaire privé en Côte d’Ivoire » a été donnée par Dr. Zamblé Théodore Goin Bi de l’Université de Korogho. Il est sociologue, spécialiste de l’éducation.
Après l’indépendance de la Côte d’Ivoire en 1960, elle a un système éducatif porté sur l’enseignement privé catholique. À partir d’une étude comparative entre 2000 et 2020, l’on observe un positionnement des établissements secondaires privés dans les résultats scolaires en Côte d’Ivoire. L’État s’engage dans une politique de subvention qui constitue une carence car c’est une manne financière dans laquelle vont se servir les établissements privés. Un regard sur les diplômes permet de voir que 40% des enseignants ont un diplôme pour enseigner et plus de 60% ne l’ont pas. Les établissements laïcs sont dans un système de marginalisation, l’école étant devenue un marché entretenu par l’État. De plus, le type d’enseignement proposé à l’école publique diffère de celui de l’école privée, ce qui entraîne des ségrégations du fait des subventions des écoles privées. L’État, à travers les subventions, fait fonctionner les établissements privés qui n’attendent que ça. Alors, pour qu’il y ait justice, équité, l’argent public doit permettre la construction d’établissements publics.
La troisième communication est intitulée « Communication pour la pratique d’activité physique, santé humaine en Côte d’Ivoire et développement durable » conjointement animée par les docteurs N’DA Mian Jacques et TAGOUYA Kela Franck, enseignants à l’Université Félix Houphouët Boigny. Ici, il s’agit de faire comprendre à l’individu l’intérêt de pratiquer telle ou telle activité physique parce que l’activité physique est un canal de renforcement et de cohésion sociale.
La quatrième communication porte sur le « Système d’encadrement de l’utilisation des pesticides et santé publique en Côte d’Ivoire » animée par Dr. Koné Bassémory de l’Université Félix Houphouët Boigny. Pour protéger la biodiversité, l’état des lieux montre qu’il y a des pesticides, des insecticides, des herbicides. Parmi ces pesticides, nous avons des pesticides chimiques qui ont des conséquences sur la santé de l’être humain. Ces risques démontrent qu’il y a une faible conscience de la chronicité des maladies dues aux pesticides obsolètes. Il conclut qu’il faut opter pour une production de biopesticides.
Après le déroulement de cet axe, il y a eu une phase questions-réponses suivie d’une pause-café.
Axe 2. Dimension anthropologique, théologique et philosophique
Cet axe a eu comme modératrice, Sœur Jocelyne DJÉDJÉ, directrice des études de l’Institut des sciences de la vie religieuse.
La première communication intitulée « Du printemps silencieux au chant des créatures : l’écologie intégrale, une foi vécue » animée par Dr. Kpoda Mwinniakpkèon Victorien, enseignant à l’Université catholique de l’Afrique de l’Ouest, Unité universitaire d’Abidjan. Partant d’une histoire sur un village africain, il nous introduit dans son thème. Il a adopté une approche de l’écologie à partir du Magistère. Pour lui, nous sommes un microcosme du fait que nous sommes en relation avec les autres. Alors, c’est sur cette dimension anthropologique que s’appuie l’écologie intégrale.
La deuxième communication donnée par Dr. Vivien Somda s’intitule « Quand chante l’oiseau de malheur : crise écologique et salut de l’homme». Dr. Vivien est enseignant à l’UCAO et au CELAF Institut. Il a pris une approche étiologique pour nous faire entendre que l’éducation a un grand rôle à jouer pour faire face à la crise écologique qui nous menace, reste à connaître ce qui cause ce malheur.
« Insertion de la jeune fille rurale en zone urbaine à travers Lézou Marie ou les écueils de la vie de Régina Yaou » est la troisième communication de cet axe. Elle a été donnée par Dr. Bohoun Sessia Inesse, enseignante-chercheur au département de lettres modernes à l’Université de Korogho. Elle a présenté l’histoire de Marie Lézou. Pour elle, les salles de classes du monde doivent être remplies aussi bien de filles que de garçons. En Côte d’Ivoire, de son point de vue, il y a un souci d’insertion de la jeune fille rurale en milieu urbain. Ainsi, la base des problèmes de l’insertion de la jeune fille rurale en zone urbaine est le logement et le financement. L’objectif de cette communication est d’interpeller la communauté à prendre en compte le sort des temps nouveaux et d’apporter des réponses adéquates à l’encadrement de la jeune fille rurale au contact des grandes villes.
À l’issue de ces communications, une vague de questions a trouvé des éclaircissements auprès des différents intervenants. Puis ce fut la pause-déjeuner et à 14h était la reprise avec l’axe 3.
Axe 3. Pédagogie et perspective didactique
Cet axe a eu comme modérateur le Dr. KOUAKOU Osséi, psychologue, enseignant-chercheur à l’Université Félix Houphouët Boigny, intervient au CELAF Institut comme enseignant de psychologie en ISSPR.
La première communication animée par Dr. OUSSOU Kouadio Jean-Pierre porte sur « Écologie, ERE ou EDD, quel concept ou notion proche des contenus de géographie au secondaire général ivoirien ? ». Dr. OUSSOU est enseignant-chercheur au département d’histoire de l’ENS. Une clarification conceptuelle est préalable. ERE est l’éducation relative à l’environnement développé dans les années 1970 au Canada ; l’EDD est l’éducation au développement durable ; l’écologie quant à elle est l’étude de la relation entre le vivant et le milieu. Après quelques recherches sur le terrain, il ressort qu’il y a une crise du gaspillage d’eau et de la gestion des déchets à l’école. Ce qui donne matière à réflexion. Il faut opérer une différence entre l’éducation à l’environnement, l’éducation par l’environnement, l’éducation pour l’environnement et l’éducation dans l’environnement. Pour amener les élèves à s’approprier certains contenus sur la question de l’environnement, il propose deux stratégies notamment le jeu de rôle et les sorties de terrain. Pour conclure, en géographie, il y a des leçons sur la question de l’environnement, le problème est de trouver des stratégies à même d’amener les élèves à avoir des compétences sur les questions environnementales.
« Libérer le potentiel des acteurs des systèmes d’éducation-formation (Ministère de l’éducation nationale – Antenne de Man) » est le titre de la deuxième communication de l’axe 3. Dr. DIOMANDÉ Loua Victor est psychologue, précédemment enseignant d’espagnol puis inspecteur pédagogique. Pour lui, une école qui n’arrive pas à atteindre ses objectifs est problématique. Pour ce faire, la tradition africaine avait ses systèmes de formation-éducation, que nous avons revisité avec le concept « kwapabha » de la langue akan. Kwapabha signifie « aidons-le/la à se réveiller ». Sa tâche est l’éveil des consciences individuelles et collectives. Il repose sur trois principes : l’analyse diachronique, l’économie du savoir et la projection diachronique. Ses piliers sont : d’abord, les systèmes de pensées construits sur la base d’élaboration mentale dont la mémoire et l’imagination. Ensuite, le système de valeurs fondé sur des valeurs globales qui sont politique, sociale, juridique, écologique, spirituelle, et une valeur suprême : la vie. Enfin un système de compétences.
Au terme de ces deux communications, suit une phase de questions-réponses. Le maître de cérémonie dit le mot de fin et invite Père Marcel LATH à dire la prière finale et donne la bénédiction. Le colloque prend fin aux environs de 15h.